Les droits d’auteurs sont une catégorie spécifique de droits qui portent sur la propriété immatérielle d’une oeuvre de l’esprit. À l’inverse de la propriété matérielle d’une oeuvre (peinture, sculpture, design, dessin et autres) qui engendre des conséquences juridique sur sa détention, sa possession, en tant qu’objet ; la propriété intellectuelle, en ce compris les droits d’auteurs, régit ce qui relève de la propriété immatérielle de l’oeuvre. Les droits d’auteurs distinguent deux types de droits : (i) les droits d’ordre moral et intellectuel rattachés à l’auteur personne physique qui sont inaliénables, incessibles et perpétuels, et (ii) les droits d’ordre patrimonial qui concernent l’exploitation commerciale de l’oeuvre.
Vous l’avez compris, les droits d’auteurs protègent l’artiste, l’auteur, le créateur qui se cache derrière ses oeuvres. Qu’il soit connu ou inconnu, en vogue ou non, les droits d’auteurs protègent l’auteur d’une oeuvre originale portant l’empreinte de sa personnalité. Pour que l’une de vos créations soit considérée comme une oeuvre au sens juridique, votre personnalité, votre patte personnelle, vos émotions, doivent être exprimées à travers elle.
La France entretient une vision protectrice des droits de l’auteur d’une oeuvre, souvent désignée comme romantique, qui diffère de la vision plus libérale du copyright des ordres juridiques anglo-saxons.
La commission européenne définit l’intelligence artificielle comme “un système qui est soit fondé sur des logiciels, soit intégré dans des dispositifs matériels, et qui fait preuve d’un comportement intelligent, notamment en collectant et traitant des données, en analysant et en interprétant son environnement et en prenant des mesures, avec un certain degré d’autonomie, pour atteindre des objectifs spécifiques”*. Différents outils IA comme Chat GPT, Midjourney ou Dall-E ont vu le jour et attisent la curiosité de nombreux professionnels et entreprises qui y voient un moyen de minimiser leurs coûts et de gagner en efficacité. Les IA qui sont fondées sur un système de “deep learning” ingèrent un maximum de données (”données input”) afin de proposer aux utilisateurs les réponses les plus précises possibles, capables de générer une valeur ajoutée en terme de créativité et/ou d’efficacité (”données output”).
Selon leurs besoins ou leurs méthodes, les utilisateurs peuvent bénéficier de la création d’oeuvres assistées par ordinateur - dans ce cas, l’IA est utilisé comme un outil au service de l’humain - ou d’oeuvres générées par ordinateur - dans ce cas, l’IA est exclusivement à l’origine de la création de l’oeuvre. Dès lors, à qui appartiennent les droits d’auteurs ?
Par principe, le droit est souvent en retard derrière les évolutions sociales et culturelles. C’est aussi le cas en matière de nouvelles technologies ! Mais l’Union européenne qui souhaite devenir le numéro un mondial en matière d’intelligence artificielle, a lancé plusieurs initiatives afin de prodiguer aux citoyens européens un cadre juridique clair.
En octobre 2020, le Parlement qui a adopté une résolution portant sur les droits de propriété intellectuelle des technologies liées à l’intelligence artificielle*, a indiqué qu’il convient d’opérer une distinction entre les créations humaines assistées par l’IA et les créations autonomes de l’IA et a souligné que “lorsque l’IA est utilisée uniquement comme outil pour aider un auteur dans son processus de création, le cadre actuel sur le droit d’auteur reste applicable”. La résolution précise encore “que les œuvres produites de manière autonome par des agents artificiels et des robots pourraient ne pas bénéficier de la protection par le droit d’auteur, afin de respecter le principe d’originalité, qui est lié à une personne physique, et étant donné que la notion de «création intellectuelle» porte sur la personnalité de l’auteur”. Enfin, le Parlement recommande que la détention des droits, le cas échéant, ne soit octroyée qu’à des personnes physiques ou morales qui ont créé l’œuvre de manière licite et que si le titulaire du droit d’auteur a donné son autorisation en cas d’utilisation de contenus protégés par le droit d’auteur, sauf si des exceptions ou limitations s’appliquent en matière de droit d’auteur.
Les évolutions législatives européennes s’accélèrent puisque le 24 juin 2023, les députés européens ont approuvé le projet de Règlement européen “IA Act” qui vise à générer pour la première fois un cadre juridique global sur l’intelligence artificielle. Le Règlement devrait être adopté d’ici la fin de l’année !
Il est probable que le législateur français attende le positionnement européen, qui sera déterminé dans quelques mois, afin de s’aligner sur les dispositions qui seront prises. Pour rappel, à l’inverse des directives européennes, les règlements européens comme celui qui est à venir en matière d’IA, sont d’application directe dans les États membres de l’Union européenne. Ainsi, la France devra intégrer les dispositions du règlement en matière d’IA in extenso, sans pouvoir disposer d’une marge de manoeuvre pour son application.
Concernant les données output, il convient de rester vigilant face aux risques de contrefaçon dans les cas où la proposition faite par l’IA serait trop similaire à une oeuvre préexistante.
Plus généralement, le risque majeur tient à la susceptible dénaturation de la catégorie juridique du droit d’auteur tel qu’il est considéré depuis sa consécration, c’est-à-dire en tant que droit lié à la personne physique autrice de la création.
À l’étranger, plusieurs États ont adopté une conception plutôt libérale de la question ; c’est le cas de Hong Kong, l’Inde, l’Irlande, la Nouvelle-Zélande ou le Royaume-Uni. Le Royaume-Uni a choisi d’adopter le principe selon lequel les droits d’auteurs sont octroyés à la personne ayant pris les dispositions nécessaires pour la création d’une oeuvre lorsque celle-ci n’est pas le fruit exclusif d’une IA.
Aux États-Unis, le United States Copyright Office a considéré, dans l'affaire concernant la bande dessinée « Zarya of the Dawn » créée à l’aide de l’outil Midjourney, que les dessins produits par l’IA ne sont pas le produit du travail d’une personne humaine et ne peuvent donc pas être protégés par le droit d’auteur.
Compte tenu de l’ensemble des facteurs juridiques exposés, il est possible d’identifier différentes pistes qui permettraient de clarifier la répartition des droits d’auteurs dans le cadre de la création d’une oeuvre à l’aide de l’intelligence artificielle.
D’abord, il conviendrait de distinguer les droits du producteur de l’intelligence artificielle de ceux de l’utilisateur de l’intelligence artificielle. Lorsque l’utilisateur donne des instructions précises et substantielles à l’outil, celui-ci devrait pouvoir obtenir des droits sur l’oeuvre ainsi créée. Pour le reste, lorsque l’IA est responsable exclusif de la création d’une oeuvre, le producteur de l’IA pourrait être désigné comme titulaire des droits d’auteurs portant sur cette oeuvre.
L’enjeu tiendrait donc à la capacité du législateur à déterminer les cas dans lesquels le prompt de l’utilisateur est suffisamment précis pour lui octroyer la qualité d’auteur de l’oeuvre ainsi que les méthodes pratiques permettant de générer la preuve de cet investissement créatif.
Ensuite, il conviendrait d’encadrer les droits des propriétaires de données input, utilisées pour “nourrir” l’intelligence artificielle et lui permettre de délivrer des propositions pertinentes.
Étant donné la singularité des créations réalisées à l’aide de l’IA, il parait opportun d’envisager un régime juridique propre pour les encadrer, à l’instar du régime sui generis applicable au producteur de base de données (article L341-1 du Code de la propriété intellectuelle).
Au fond, l’enjeu réside dans la capacité du législateur à protéger les créations réalisées à l’aide de l’IA sans pour autant obstruer les secteurs de la création et du design.
En pratique, quelles sont les recommandations d’une avocate spécialisée dans le cadre de la conception d’une oeuvre reposant en tout ou partie sur une technique d’intelligence artificielle ?
*: TA(2020)0277 : Résolution du Parlement européen du 20 octobre 2020 sur les droits de propriété intellectuelle pour le développement des technologies liées à l’intelligence artificielle (2020/2015(INI))
Les droits d’auteurs sont une catégorie spécifique de droits qui portent sur la propriété immatérielle d’une oeuvre de l’esprit. À l’inverse de la propriété matérielle d’une oeuvre (peinture, sculpture, design, dessin et autres) qui engendre des conséquences juridique sur sa détention, sa possession, en tant qu’objet ; la propriété intellectuelle, en ce compris les droits d’auteurs, régit ce qui relève de la propriété immatérielle de l’oeuvre. Les droits d’auteurs distinguent deux types de droits : (i) les droits d’ordre moral et intellectuel rattachés à l’auteur personne physique qui sont inaliénables, incessibles et perpétuels, et (ii) les droits d’ordre patrimonial qui concernent l’exploitation commerciale de l’oeuvre.
Vous l’avez compris, les droits d’auteurs protègent l’artiste, l’auteur, le créateur qui se cache derrière ses oeuvres. Qu’il soit connu ou inconnu, en vogue ou non, les droits d’auteurs protègent l’auteur d’une oeuvre originale portant l’empreinte de sa personnalité. Pour que l’une de vos créations soit considérée comme une oeuvre au sens juridique, votre personnalité, votre patte personnelle, vos émotions, doivent être exprimées à travers elle.
La France entretient une vision protectrice des droits de l’auteur d’une oeuvre, souvent désignée comme romantique, qui diffère de la vision plus libérale du copyright des ordres juridiques anglo-saxons.
La commission européenne définit l’intelligence artificielle comme “un système qui est soit fondé sur des logiciels, soit intégré dans des dispositifs matériels, et qui fait preuve d’un comportement intelligent, notamment en collectant et traitant des données, en analysant et en interprétant son environnement et en prenant des mesures, avec un certain degré d’autonomie, pour atteindre des objectifs spécifiques”*. Différents outils IA comme Chat GPT, Midjourney ou Dall-E ont vu le jour et attisent la curiosité de nombreux professionnels et entreprises qui y voient un moyen de minimiser leurs coûts et de gagner en efficacité. Les IA qui sont fondées sur un système de “deep learning” ingèrent un maximum de données (”données input”) afin de proposer aux utilisateurs les réponses les plus précises possibles, capables de générer une valeur ajoutée en terme de créativité et/ou d’efficacité (”données output”).
Selon leurs besoins ou leurs méthodes, les utilisateurs peuvent bénéficier de la création d’oeuvres assistées par ordinateur - dans ce cas, l’IA est utilisé comme un outil au service de l’humain - ou d’oeuvres générées par ordinateur - dans ce cas, l’IA est exclusivement à l’origine de la création de l’oeuvre. Dès lors, à qui appartiennent les droits d’auteurs ?
Par principe, le droit est souvent en retard derrière les évolutions sociales et culturelles. C’est aussi le cas en matière de nouvelles technologies ! Mais l’Union européenne qui souhaite devenir le numéro un mondial en matière d’intelligence artificielle, a lancé plusieurs initiatives afin de prodiguer aux citoyens européens un cadre juridique clair.
En octobre 2020, le Parlement qui a adopté une résolution portant sur les droits de propriété intellectuelle des technologies liées à l’intelligence artificielle*, a indiqué qu’il convient d’opérer une distinction entre les créations humaines assistées par l’IA et les créations autonomes de l’IA et a souligné que “lorsque l’IA est utilisée uniquement comme outil pour aider un auteur dans son processus de création, le cadre actuel sur le droit d’auteur reste applicable”. La résolution précise encore “que les œuvres produites de manière autonome par des agents artificiels et des robots pourraient ne pas bénéficier de la protection par le droit d’auteur, afin de respecter le principe d’originalité, qui est lié à une personne physique, et étant donné que la notion de «création intellectuelle» porte sur la personnalité de l’auteur”. Enfin, le Parlement recommande que la détention des droits, le cas échéant, ne soit octroyée qu’à des personnes physiques ou morales qui ont créé l’œuvre de manière licite et que si le titulaire du droit d’auteur a donné son autorisation en cas d’utilisation de contenus protégés par le droit d’auteur, sauf si des exceptions ou limitations s’appliquent en matière de droit d’auteur.
Les évolutions législatives européennes s’accélèrent puisque le 24 juin 2023, les députés européens ont approuvé le projet de Règlement européen “IA Act” qui vise à générer pour la première fois un cadre juridique global sur l’intelligence artificielle. Le Règlement devrait être adopté d’ici la fin de l’année !
Il est probable que le législateur français attende le positionnement européen, qui sera déterminé dans quelques mois, afin de s’aligner sur les dispositions qui seront prises. Pour rappel, à l’inverse des directives européennes, les règlements européens comme celui qui est à venir en matière d’IA, sont d’application directe dans les États membres de l’Union européenne. Ainsi, la France devra intégrer les dispositions du règlement en matière d’IA in extenso, sans pouvoir disposer d’une marge de manoeuvre pour son application.
Concernant les données output, il convient de rester vigilant face aux risques de contrefaçon dans les cas où la proposition faite par l’IA serait trop similaire à une oeuvre préexistante.
Plus généralement, le risque majeur tient à la susceptible dénaturation de la catégorie juridique du droit d’auteur tel qu’il est considéré depuis sa consécration, c’est-à-dire en tant que droit lié à la personne physique autrice de la création.
À l’étranger, plusieurs États ont adopté une conception plutôt libérale de la question ; c’est le cas de Hong Kong, l’Inde, l’Irlande, la Nouvelle-Zélande ou le Royaume-Uni. Le Royaume-Uni a choisi d’adopter le principe selon lequel les droits d’auteurs sont octroyés à la personne ayant pris les dispositions nécessaires pour la création d’une oeuvre lorsque celle-ci n’est pas le fruit exclusif d’une IA.
Aux États-Unis, le United States Copyright Office a considéré, dans l'affaire concernant la bande dessinée « Zarya of the Dawn » créée à l’aide de l’outil Midjourney, que les dessins produits par l’IA ne sont pas le produit du travail d’une personne humaine et ne peuvent donc pas être protégés par le droit d’auteur.
Compte tenu de l’ensemble des facteurs juridiques exposés, il est possible d’identifier différentes pistes qui permettraient de clarifier la répartition des droits d’auteurs dans le cadre de la création d’une oeuvre à l’aide de l’intelligence artificielle.
D’abord, il conviendrait de distinguer les droits du producteur de l’intelligence artificielle de ceux de l’utilisateur de l’intelligence artificielle. Lorsque l’utilisateur donne des instructions précises et substantielles à l’outil, celui-ci devrait pouvoir obtenir des droits sur l’oeuvre ainsi créée. Pour le reste, lorsque l’IA est responsable exclusif de la création d’une oeuvre, le producteur de l’IA pourrait être désigné comme titulaire des droits d’auteurs portant sur cette oeuvre.
L’enjeu tiendrait donc à la capacité du législateur à déterminer les cas dans lesquels le prompt de l’utilisateur est suffisamment précis pour lui octroyer la qualité d’auteur de l’oeuvre ainsi que les méthodes pratiques permettant de générer la preuve de cet investissement créatif.
Ensuite, il conviendrait d’encadrer les droits des propriétaires de données input, utilisées pour “nourrir” l’intelligence artificielle et lui permettre de délivrer des propositions pertinentes.
Étant donné la singularité des créations réalisées à l’aide de l’IA, il parait opportun d’envisager un régime juridique propre pour les encadrer, à l’instar du régime sui generis applicable au producteur de base de données (article L341-1 du Code de la propriété intellectuelle).
Au fond, l’enjeu réside dans la capacité du législateur à protéger les créations réalisées à l’aide de l’IA sans pour autant obstruer les secteurs de la création et du design.
En pratique, quelles sont les recommandations d’une avocate spécialisée dans le cadre de la conception d’une oeuvre reposant en tout ou partie sur une technique d’intelligence artificielle ?
*: TA(2020)0277 : Résolution du Parlement européen du 20 octobre 2020 sur les droits de propriété intellectuelle pour le développement des technologies liées à l’intelligence artificielle (2020/2015(INI))